Si la plupart des aristocrates du royaume élèvent le parasitisme au rang d’art, gaspillant les avantages qui sont les leurs en se complaisant dans l’excès et la décadence sur le dos de leurs sujets, le pays a néanmoins toujours besoin d’un gouvernement fonctionnel. Le souverain a ainsi confié des postes à responsabilité non seulement aux gens bien-nés qui ne se satisfont pas d’une vie oisive et démontrent la compétence nécessaire, mais aussi à certains roturiers triés sur le volet pour leurs talents et leur loyauté (et généralement élevés au rang de nobles par la même occasion, même si leurs titres ne sont pas toujours héréditaires).

Pragmatique, le monarque fait d’une pierre plusieurs coups en appelant ces derniers à occuper les hautes sphères de l’État : premièrement, il cultive ainsi un certain esprit d’émulation pour éviter que la classe supérieure ne sombre dans l’inutilité totale. Deuxièmement, il y introduit un peu de sang frais pour renouveler le pool génétique (même si les « mésalliances » se font surtout avec la petite noblesse, les descendants de ces élus devant souvent attendre au moins une ou deux générations avant de pouvoir espérer épouser un membre d’une des maisons les plus prestigieuses). Troisièmement, il fait de cette promotion un mécanisme de contrôle social pour calmer les velléités de rébellion des classes moyennes et inférieures en faisant croire que son régime est une méritocratie, et en particulier complique la création d’alliances entre la bourgeoisie et le prolétariat. Enfin, cela fournit une diversité de perspectives qui participe de la longévité du pouvoir schwarzwaldien.

Plus connu sous le nom de Ludwig IV, l’actuel monarque de Schwarzwald est un homme qui se distingue par son impressionnante pilosité faciale, ainsi que par l’incroyable nombre de médailles qu’il arbore, à tel point que l’on n’arrive plus à voir la couleur de l’uniforme militaire couvrant son corps bedonnant. Il n’a pourtant jamais commandé de soldats de sa vie, et encore moins mis les pieds sur un champ de bataille. Il ne doit cependant pas être sous-estimé, en dépit de son apparence et de son parler grandiloquent, car il sait s’entourer de subordonnés aussi compétents que loyaux (ou en tout cas assez intelligents pour comprendre qu’il est dans leur intérêt de le servir fidèlement) et tient fermement les rênes du pouvoir. Malgré son statut d’homme le plus riche et le plus puissant du pays, il n’est qu’un administrateur moyen, mais connaît l’importance de la délégation et consacre l’essentiel de son temps aux intrigues de la cour, qu’il instrumentalise avec expérience.

Comme tous ses ancêtres, il est un homme ambitieux, qui rêve de pouvoir un jour rejoindre les rangs des Dragons Célestes à Marie-Joie, ou à défaut de paver la voie pour que l’un de ses descendants y parvienne. Pour cela, il se comporte en protecteur des arts et des sciences, continue d’apporter son soutien à l’industrialisation du royaume, et emploie l’appareil diplomatique schwarzwaldien afin de faire du lobbying à l’étranger et auprès du Gouvernement Mondial. Il voit également dans la recrudescence d’activité pirate et révolutionnaire une opportunité pour ses sujets de se distinguer, cherchant à trouver un moyen de faire opérer l’armée royale hors de l’archipel. Qui sait, peut-être présidera-t-il ainsi à de nouvelles conquêtes, pour la première fois depuis trois siècles, tout en canalisant de façon productive l’énergie des nobles les plus remuants ?

Le Grand Inquisiteur commandant les Opritchniki, la police secrète de Schwarzwald. Bien qu’il ait le titre de comte, celui-ci n’est pas héréditaire ; il ne possède ni fief ni château, et est né dans le dénuement le plus complet. À l’exception du garde du corps particulier de Sa Majesté, seuls les aristocrates les plus stupides ou les plus braves (la différence n’est pas toujours facile à voir) osent néanmoins se moquer de son passé misérable en sa présence, car il est l’homme le mieux informé du pays et, même s’il n’est pas censé s’en prendre à la noblesse du moment que celle-ci ne complote pas contre le pouvoir royal, il ne manque pas de moyens détournés pour nuire à ceux qui lui déplaisent.

À l’origine simple gamin des rues, il faisait son beurre en dénonçant les actes illégaux de ses petits camarades aux autorités. En grandissant, il devint un indic pour la police secrète, puis fut plus tard recruté par un agent appréciant sa débrouillardise et son sens de la discrétion. À partir de là, il gravit rapidement les échelons de l’organisation en maniant habilement aussi bien la carotte que le bâton, rendant service à ceux qui pouvaient lui être utile ou à ceux qui lui avaient eux-mêmes fait une faveur, et éliminant implacablement ceux qui au contraire tentaient de lui faire obstacle. Traquant sans relâche toute forme de dissidence, il est aujourd’hui un croque-mitaine craint dans tout le royaume, alors même que seule une poignée d’individus sait à quoi il ressemble réellement, du fait de sa maîtrise de l’art du déguisement.

Ayant été témoin de la chute de nombreux idiots trop ambitieux au cours de sa longue carrière, il ne désire pas s’élever davantage, car il a déjà atteint la plus haute position possible pour une personne de sa condition et ne désire pas la mettre en péril. On ne lui connaît également aucun vice. Il est d’un naturel froid, soupçonneux et méfiant, comme il se doit, mais en tant que maître-espion efficace, il sait également reconnaître le talent quand il le voit et faire preuve de la flexibilité nécessaire dans son métier.

Comme son collègue von Schatten, le baron von Karlsberg est né dans la pauvreté. À la différence du chef de la police secrète, il avait choisi de quitter le royaume dans sa jeunesse, embarquant clandestinement dans la cale d’un navire à destination de l’étranger. Il fit ensuite sa vie en tant que mercenaire et chasseur de primes, opérant même dans le Nouveau Monde au faîte de sa carrière. Sa réputation finit par arriver aux oreilles du roi Ludwig, fraîchement monté sur le trône à l’époque, qui lui proposa de revenir au pays, avec à la clé un poste de garde du corps et chef de la garde royale, assorti d’un mariage à la dernière fille d’une maison noble au bord de l’extinction.

Ayant accepté l’offre et tous les avantages afférents, Karl protège ouvertement le roi depuis près de trois décennies, là où Rudolf le protège dans l’ombre, les deux hommes travaillant souvent ensemble, même si Karl abuse sans vergogne de son statut pour être l’une des seules personnes à pouvoir taquiner le Grand Inquisiteur en toute impunité. Lorsque le roi a besoin non pas d’une dague invisible, mais d’une démonstration de force ostentatoire, c’est également lui qui s’y colle. Combattant aguerri et vigilant, il sent toutefois ses forces commencer à décliner avec l’âge, et recherche à présent un successeur à qui confier la sécurité du souverain, avant de prendre sa retraite pour profiter en paix de ses vieux jours.

Le docteur von Katzmeyer-Feuerbach est un ancien diplômé de la faculté des sciences et d’ingénierie de Yogolstadt, un esprit brillant et un psychopathe sans scrupules, derrière son sourire permanent. Il reste heureusement possible de l’amadouer avec suffisamment de sucreries. Il est à la tête du Bureau des Innovations Militaires, une organisation faisant le lien entre différentes corporations et branches du gouvernement schwarzwaldien pour tout ce qui a trait au développement de nouvelles technologies à usage guerrier. Il chapeaute ainsi quantités d’usines, laboratoires, chantiers et arsenaux afin d’imaginer, fabriquer et tester les armes de demain. Les projets dont il a la charge sont aussi nombreux que variés mais tous servent le même dessein : prouver la supériorité de l’industrie schwarzwaldienne, et par voie de conséquence renforcer l’influence internationale de la Couronne, raison pour laquelle le monarque lui pardonne ses diverses excentricités.

Il rêve du jour où ses armes seront enfin déchaînées à grande échelle sur le champ de bataille, obscurcissant le ciel, pulvérisant la terre et faisant couler des fleuves de sang. Une perspective des plus réjouissantes pour lui, d’autant plus si elle lui permet de gagner la reconnaissance mondiale qu’il estime être son dû, le propulsant au même rang que les pontes de la branche scientifique de la Marine.